Sedami Gnidehou

Auteur : Tom Ndekezi [traduction de l’anglais au français]

14 juin 2021

À la rencontre de l’ÉLITE est une série où nous présentons les membres du comité directeur du Programme ELITE pour la jeunesse noire.

Dre Sédami Gnidehou est fière d’être francophone et une scientifique, mais c’est sûr qu’elle n’apprécie pas être appelée une scientifique francophone.

« Je ne pense pas qu’il soit juste de nous qualifier de scientifiques francophones, parce que nous enseignons en français. Nous menons nos recherches en anglais et en français également », m’explique Dre Gnidehou. « La plupart de mes collaborateurs ne sont pas francophones, et tu sais, la recherche ne renvoie pas à la langue. La recherche renvoie à une équipe de recherche et un sujet de recherche. »

Le commentaire de Dre Gnidehou serait difficile à rejeter en toute instance. Mais, il est surtout convaincant si l’on considère l’ampleur de son expérience de recherche.

Née au Bénin, en Afrique de l’ouest, Dre Gnidehou quitte son pays natal pour la première fois pour fréquenter une université en France. Sa recherche finie par lui donner l’occasion d’aller partout dans le monde et de séjourner en France, Danemark, Suède, Kenya et en Colombie, avant de rejoindre le département de biologie au Campus Saint-Jean en tant que professeure adjointe.

Et quel est son domaine de recherche ? C’est la pathogenèse, c.-à-d. l’installation du paludisme chez les femmes enceintes, ainsi que la gestion du paludisme importé au Canada. Ce sujet international est très conforme à son curriculum vitae international, et c’est sûr que ce n’est pas une carrière scientifique qui peut être expliquée par un caractère unique.

Ceci dit, Dre Gnidehou n’a pas toujours pu vivre si facilement au sein de l’intersection d’autant de cultures. En fait, au début de sa carrière en recherche, elle se souvient souvent de s’être sentie coincée.

« C’était tellement difficile d’être une doctorante noire en France », dit Dre Gnidehou. « À mon époque, il était difficile d’obtenir une bourse ou une subvention ou quelque chose de la sorte. » 

« Je me souviens avoir essayé d’obtenir un poste dans un institut de recherche, et quelqu’un m’avait dit que je devrais retourner dans mon pays d’origine, puisque selon lui, je n’étais pas admissible pour cette position. Mais je me suis dit : ‘Je suis citoyenne d’ici, alors je ne comprends pas en quoi je pourrai être différente d’une personne qui est née dans ce pays.’ »

Dre Gnidehou décrit son expérience au Canada comme étant beaucoup plus positive, mais elle reconnaît encore l’importance de créer des opportunités pour ceux qui se sentiraient autrement exclus. Cette prise de conscience explique aussi pourquoi elle agit comme la Chargée des affaires francophones du Programme ELITE.

« Lorsque j’ai eu mon poste de professeur en 2015, j’ai constaté qu’il n’y avait pas beaucoup d’étudiants noirs dans notre laboratoire », elle explique. « Et parmi ceux qui étaient là, la plupart ne savait pas qu’ils pouvaient travailler dans un laboratoire à un niveau professionnel. »

Son rôle au sein du Programme ELITE qui change cette réalité pour la jeunesse francophone noire, est ce qui a poussé Dre Gnidehou à offrir des présentations virtuelles aux étudiants du secondaire lors du début du programme. C’est aussi ce qui l’a poussé à accueillir trois stagiaires de la cohorte de cette année, dans son laboratoire.

C’est ce genre de rôle intermédiaire dans lequel Dre Gnidehou se sent la plus à l’aise. Par ailleurs, après avoir passé des années à enseigner dans le seul campus universitaire francophone dans l’ouest canadien, elle a appris à comment être un pont plutôt qu’un goulet d’étranglement.

Tout comme sa recherche, Dre Gnidehou espère voir le Programme ELITE devenir quelque chose qui transcende les frontières. Mais pour l’instant, elle veut s’assurer que la jeunesse francophone noire reconnaisse que le Programme est autant pour eux que pour les autres.

« Je veux que la jeunesse francophone noire s’informe sur le Programme et profite de cette occasion unique pour s’impliquer », dit-elle. « Le Programme ELITE est comme une graine, et dans trois à cinq ans, je veux que le Programme ELITE soit un programme pancanadien pour la jeunesse noire. »